Ce mois-ci, j’ai écrit pour le chouette site collaboratif des 24 jours du web : « le calendrier de l’avent des gens qui font le web d’après ». J’ai choisi comme sujet Concevoir des formulaires inclusifs. Naturellement, mon article devait donc être inclusif. Et bien figurez-vous que ça n’est pas inné…
Écrire de manière simple, c’est difficile
Dans mon premier jet, on pouvait lire :
Écrire de manière simple et claire est un autre levier fort pour un formulaire plus inclusif, notamment pour les populations en fracture numérique (souvenez vous : Pour un web plus inclusif : quelques pistes pour réduire les inhabiletés numériques) ou celle dont le français n’est pas la langue maternelle mais pas seulement : expliquer les abréviations, les acronymes ou les termes métiers complexes profite à tous les utilisatrices et utilisateurs.
Oui oui, vous avez bien vu ! Une phrase d’environ 6 lignes, pour expliquer qu’écrire de manière « simple et claire », c’est important 🤔. Ahem…
Il était temps de simplifier tout ça ! Pour cela, je me suis aidée de l’application Hemingway. Cet outil analyse les textes et identifie leur niveau de difficulté. Il met aussi en évidence les phrases les plus longues, c’est très pratique !

J’ai alors retravaillé le texte, notamment pour :
- Structurer le contenu (dans mon cas, avec une liste)
- Raccourcir les phrases.
Après réécriture, je suis arrivée à cette version :
Écrire de manière simple et claire est un levier fort pour un formulaire plus inclusif. Cela profitera :
- aux populations en situation d’illectronisme (une personne sur cinq a du mal à lire un texte simple) ;
- aux personnes dont le français n’est pas la langue maternelle ;
- aux personnes souffrant de troubles cognitifs ou d’apprentissages ;
- aux gens pressés, à ceux interrompus régulièrement ;
- et finalement… à tous les usagers !
Expliquer des notions complexes avec des termes simples améliore l’expérience de tout le monde. Les utilisateurs du service peuvent alors faire un choix éclairé, sans connaissances préalables.
Mon score sur Hemingway était alors nettement meilleur !

J’aurais encore pu simplifier encore mon texte mais j’ai préféré le garder ainsi. Je n’oublie pas qu’un score de lisiblité n’est qu’un outil : faire la « course au score » serait contreproductif.
Changer ses habitudes, c’est difficile
Toujours plus loin dans le genre « faites ce que je dis, pas ce que je fais », mon brouillon était qu’il n’était pas franchement inclusif. Pourtant, parmi mes bons conseils, on pouvait lire :
Dé-masculiniser la langue
Avoir une posture d’inclusion c’est aussi faire attention aux choix des mots, via des formulations neutres, l’utilisation de termes épicènes, etc. À ce sujet, l’article Écriture inclusive : faisons le point autour de la cheminée ou les travaux d’Éliane Viennot sur Non, le masculin ne l’emporte pas sur le féminin sont de précieuses ressources.
Alors, pourquoi diable mon texte contenait-il :
- 17 occurrences du mot « utilisateur » (le masculin, qui me vient encore par défaut) ;
- Seulement 3 occurrences du mot « utilisatrice » (des faibles tentatives de démasculiniser) ;
Pour retravailler mon texte et le dé-masculiniser, j’ai envisagé plusieurs pistes :
- Utiliser systématiquement le doublon « utilisatrices et utilisateurs » ;
- Utiliser le féminin uniquement, parce que pourquoi pas ;
- Utiliser le point médian (« utilisateur·rice ») ou le néologisme « utilisateurice » ;
- Trouver un terme épicène.
C’est cette dernière option que j’ai choisie (ou plutôt cru choisir) en remplaçant tous mes « utilisateurs » par des « usagers ». Car on ne dit jamais « usagère », n’est-ce pas ? (Il s’avère que je me suis trompée : ce mot existe. Usager n’est donc pas un terme épicène…) Finalement, j’ai découvert (trop tard) une solution élégante en lisant l’article d’Agnès. Elle conclut son article par :
Il m’a fallu presque 2000 mots à écrire « utilisateurs et utilisatrices » et à copier-coller avec peine le point médian, que je ne sais pas taper au clavier, pour enfin penser à employer le terme épicène « internaute ». Pas merci, mon cerveau. 🧠
Mais oui ! Bien sûr ! Internaute ! C’est du génie ! Bon, j’y penserai la prochaine fois !
Écrire, ça se travaille
Tout ça pour dire : (bien) écrire de manière inclusive, c’est du travail ! Dans Concevoir des formulaires inclusifs, j’ai fait des choix selon mes connaissances du moment ; mais il y a fort à parier que dans quelques mois, je remettrais mes réflexes de manière encore différente.
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