À l’heure où la dématérialisation est dans toutes les bouches, il est important de prendre un peu de recul et de se demander si les outils et les services que nous créons sont accessibles à toutes et tous.
Littératie, kesako ?
Il n’existe pas de définition exacte de la littératie mais on peut la résumer au concept de culture numérique. Ainsi, la est la capacité d’une personne à comprendre et à communiquer de l’information par le langage sur différents supports
- des compétences informationnelles : lire, chercher, prélever ou critiquer des informations, mais aussi en produire ou en créer
- des compétences sociales et éthiques : connaître ses droit, communiquer…
Quel niveau de littératie en France ?
En 2012, une étude a été menée par l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) dans le but d’évaluer les compétences des adultes.
Plusieurs niveaux de littératie ont été définis :
- Niveau 1 : difficulté à lire un texte simple et à comprendre la documentation écrite.
- Niveau 2 : faibles aptitudes en lectures, limitées à la lecture de documentation simple et explicite ; tendance à se fier aux autres pour interpréter le contenu d’un texte.
- Niveau 3 : capacité à utiliser de la documentation écrite.
- Niveau 4 et 5 : compétences liées au traitement de l’information ; capacité à combiner plusieurs textes pour résoudre des problèmes complexes.
On considère que le niveau 3 (capacité à utiliser de la documentation écrite) est le minimum pour pouvoir accomplir des démarches administratives nécessaire pour la vie quotidienne. Pourtant, les résultats de l’étude montrent qu’en France, ce niveau est loin d’être atteint :
Sur 166 000 personnes interrogées, entre 16 et 65 ans :
- une personne sur 5 a des difficultés à lire un texte simple (21 % a un niveau 1 ou inférieur en littératie).
- moins d’une personne sur 2 a un niveau suffisant pour accomplir des démarches administratives en ligne facilement (42 % a un niveau supérieur ou égal à 3).
Illectronisme
Au début des années 2000, un mot a d’ailleur commencé à émerger pour désigner l’illettrisme numérique, soit la difficulté à utiliser Internet dans la vie de tous les jours : l’illectronisme.
Selon l’étude CSA demandée par le SPS en 2019, 11 millions de Français rencontrent des difficultés avec le numérique.
- 23 % des Français ne sont pas à l’aise avec le numérique bien que 90 % des Français possèdent au moins un appareil numérique connecté et que trois-quarts utilisent Internet quotidiennement.
- 19 % des Français abandonnent une tâche car elle nécessite l’utilisation d’Internet (pour un achat, une démarche administrative…).
Il est par ailleurs intéressant de constater que, contrairement aux idées reçues, ces « abandonnistes » ont un profil très proche de celui de la population française, que ce soit concernant l’activité professionnelle, l’âge, le genre, ou le lieu de vie.
Concevoir des sites inclusifs
Ces chiffres sont particulièrement frappants puisqu’une grosse partie de la population est concernée. Devant une telle inégalité de compétences, les actions à prendre sont multiples et méritent mieux que quelques lignes.
Voici cependant quelques bonnes pratiques orientées pour les professionnels du web qui prennent en compte les compétences numériques des utilisateurs :
Donner des repères
Organiser les pages de manière cohérente entre différentes pages du site mais aussi par rapport à d’autres sites afin que l’utilisateur puisse conserver ses habitudes.
Expliciter les usages du service pour que l’utilisateur comprenne ce qui peut être fait/trouvé sur le site.
Permettre de retrouver ce qui a été consulté précédemment afin de pallier à la difficulté de mémoriser des informations.
Faciliter le premier usage
Donner des repères graphiques (via un design system par exemple) afin de rassurer l’utilisateur qui a besoin d’être sûr qu’il est sur le bon site.
Accompagner le premier usage d’un service pour les utilisateurs qui ne savent pas forcément par où commencer.
Simplifier l’information
Mettre en valeur les informations importantes.
Simplifier le vocabulaire utilisé en utilisant des termes simples et des phrases courtes et directes.
Réassurer l’utilisateur
Donner de l’information sur ce qui va se passer pour donner une vision complète du parcours avant qu’il soit commencé.
Faciliter le contact en proposant plusieurs moyens de contacts pour s’adapter à tout type de public (chat, téléphone, email…)
Accompagner la post-démarche en expliquant ce qui va se passer ensuite. Pour les démarches longues, informer l’utilisateur via notifications/mails/messages/page dédiée…
Permettre à l’utilisateur de corriger ou d’annuler ses actions pour mettre l’utilisateur en confiance et améliorer son engagement.
Concevoir pour les personnes en situation de handicap
Respecter les standards de l’accessibilité (le RGAA 4 en France), comme par exemple donner des alternatives pertinentes aux contenus visuels.
Soigner la réalisation technique
Optimiser les performances pour garantir une expérience fluide même avec une mauvaise connexion.
Optimiser le site sur mobile, moyen de navigation préféré des Français.
Rendre possible la navigation au clavier.
Pour aller plus loin
Je n’ai fait qu’effleurer le sujet de l’illectronisme pour mettre par écrit les termes que j’ai appris et les chiffres qui m’ont frappés ; mais le sujet est complexe et les axes de transformations vastes. Voici quelques ressources qui vont plus loin :
- Exclusion numérique et société « digitalisée », la conférence de Véronique Lapierre (alias webetcaetera)
- Livre blanc contre l’illectronisme, paru en juin 2019 par le Syndicat de la Presse Sociale
- Étude du CSA sur l’illectronisme de 2018 et son résumé
- Rapports internationaux du PIAAC (littératie, numératie et résolution de problèmes dans des environnements à forte composante technologique) par l’OCDE.
Et pour mieux comprendre de qui on parle, rien de tel que de s’adresser aux usagers directements concernés. C’est ce qu’on fait ces médias :
- Peut-on encore vivre sans Internet ? et Travail, famille, Wi-Fi à lire sur le Monde Diplomatique
- L’illectronisme : ceux qui ne s’y font pas à écouter sur France Culture
2 commentaires sur « Littératie et illectronisme en France »